Stomatepia pindu (Trewavas, 1972)
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Bien
qu'un article lui ait été consacré récemment, une
observation chanceuse et inattendue me pousse à apporter un petit complément
d'informations sur cette espèce rare, et donc peu maintenue et encore peu
connue.
Pour plus d'informations sur le biotope ou la maintenance, on se référera
donc aux articles cités en références bibliographiques.
Stomatepia
pindu a été décrit en 1972 par Trewavas. C'est une espèce
endémique du Lac de cratère Barombi-Mbo, dans le sud-ouest du Cameroun.
Ce lac est particulièrement intéressant car son isolement a provoqué
une endémicité d'une part de son ichtyofaune et notamment des cichlidés
: pas moins de quatre genres sont ainsi endémiques du lac !
Le biotope
des bords du lac où vivent la majorité des espèces est fait
d'une alternance de blocs rocheux volcaniques et de sable fin, mais aussi de branches
et autres restes végétaux, issus des arbres environnant le cratère.
Le substrat volcanique, ainsi qu'une alimentation du lac par eau de pluie contribuent
grandement à avoir une eau extrêmement douce, avec un TH à
peine supérieur aux 0°f !
Bien qu'on puisse le rencontrer près
de la surface, S. pindu vit préférentiellement au delà des
3 mètres de profondeur (le lac ayant une profondeur maximale de 111 mètres).
Ma première rencontre avec les Stomatepia remonte à une dizaine d'année, à l'aquarium de Nancy où Stomatepia mariae était maintenu dans les réserves du musée en compagnie d'autres espèces du lac. La forme très caractéristique de ces poissons ne s'oublie pas et leur confère un certain charme, aussi, lorsque au congrès de Revel 2002 Michaël Negrini m'a proposé de récupérer quelques jeunes S. pindu, c'est avec plaisir que j'ai accepté.
Stomatepia
pindu est l'espèce la plus petite du genre, puisque d'après
la littérature, les males ne dépassent pas 12 cm et les femelles
9. C'est surtout l'une des plus originales puisque hormis les juvéniles
ou les animaux stressés, les poissons sont d'un noir velouté uniforme,
une vraie rareté dans le monde aquatique, car d'un point de vue métabolique,
maintenir des pigments mélaniques (noirs) est très coûteux
en énergie. Toutefois, il existe une forme chromatique orange semblant
appartenir à la même espèce...
La forme rappelle quelque
peu celle des Altolamprologus fasciatus du lac Tanganyika : un corps comprimé
latéralement, avec une bouche largement fendue tournée vers le haut,
exprimant son régime alimentaire à base d'insectes, de crustacés
et de larves benthiques.
En
prévision d'un déménagement, j'ai été obligé
de concentrer mes poissons dans quelques bacs, et mes S. pindu sont actuellement
maintenus en eau dure dans un bac de 600 litres en compagnie d'espèces
d'Amérique Centrale : Cryptoheros altoflavus, subadultes Geophagus
crassilabris, Thorichthys affinis, et des Poecilidés robustes
de grande taille. Les Stomatepia se sont immédiatement intégrés
à la population du bac, et nageant la plupart du temps en pleine eau, ils
sont quasiment ignorés par les espèces territoriales plus inféodées
au substrat. Les ovovivipares qui occupent la même niche écologique
que les pindu dans mon bac sont considérés avec peu d'attention.
Le décor est constitué de sable fin, de blocs rocheux épars,
de grandes Cryptocoryne aponogetifolia et de pieds de Bolbitis heudelotii.
L'alimentation est constituée de mélange maison, de krill,
de vers de vase, d'artémias et de paillettes végétales. Ils
jeûnent 2 jours par semaine.
Mes poissons mesurent environ 7cm. Le
dimorphisme sexuel est quasiment inexistant, seule la forme de la papille génitale
permet de différencier les sexes.
Ce jour là, dès le matin, un couple s'était formé et se frottait flanc contre flanc. Il tournait dans tout le bac en pleine eau, puis descendait au fond où tête en bas, les deux partenaires se faisaient face à face en vibrant de tout leur corps.
parade
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male
...... . . .. . ..... . ......... ... . .. .... ..... .. ............. .... .. . ........ .. .. .. . .. . femelle avec oviducte saillant
L'oviducte de la femelle était saillant, la ponte semblait imminente. Durant toute la journée, le couple a paradé ainsi dans tout l'aquarium, sans pouvoir mettre en évidence un territoire particulier, défini et défendu. Ils se frottaient tantôt en pleine eau, tantôt sur le sable, tantôt contre une pierre horizontale. J'ai nourri les poissons l'après midi. Une heure plus tard, j'observe le male et la femelle mâchonnant... Comme les Stomatepia sont de vrais goinfres, il n'est pas rare de les voir ainsi mâchonner un long moment après la distribution de nourriture avant de pouvoir avaler leur réserve de krill ou autre. A Nancy, je me souviens que les Stomatepia mariae "incubaient" les petits pois de longues minutes avant de les consommer ! Mais ayant distribué il y a plus d'une heure des vers de vase, aliment de petite taille, j'avais quand même une suspicion, si bien que je suis resté à observer de plus près le couple... Après quelques minutes, la femelle est descendue au pied d'une grande Cryptocoryne, et à commencé à faire un simulacre de ponte, en frottant son oviducte contre le sol. Après une dizaine de passages, toujours pas d'ufs en vue... Puis le male s'est approché et l'a "encouragée". Finalement, au bout d'un long manège, le male s'est positionné face à la femelle et a lâché une douzaine d'ufs gris-verts, oblongs et d'environ 2mm qu'il incubait donc effectivement depuis de longues minutes ! Mon étonnement fut total, car je n'avais jamais entendu parler d'un tel comportement chez Stomatepia pindu ! Mais ma surprise fut encore accentuée quand je vis que la femelle ne prenait pas ces ufs en bouche ! Au contraire, le male est passé plusieurs fois dessus pour les féconder, et la femelle a mis presque dix minutes avant de se décider à les prendre enfin en bouche !
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En outre, pendant ce court laps de temps, la
coloration du male a énormément pâlit, en commençant
par la nageoire caudale, suivie ensuite du corps entier.
J'ai malheureusement
dû partir ensuite, et je ne sais pas si chaque émission des ovules
par la femelle est suivie d'une prise en bouche par le male, puis d'un relâcher
devant la femelle, puis de la fécondation par le male et enfin de la prise
en bouche définitive par la femelle. Il est même envisageable que
le male ait fécondé les ufs avant de les prendre lui-même
en bouche, quitte à recommencer après. Toujours est il qu'une fois
terminée, la femelle se retire à l'abri et incube seule la ponte
jusqu'à son terme.
N'ayant auparavant jamais eu l'occasion d'assister à la ponte, je ne suis pas en mesure non plus d'affirmer s'il s'agit là d'une aberration ponctuelle induite par un phénomène non déterminé ou d'un comportement propre à l'espèce et donc reproductible d'une ponte à l'autre, et surtout d'un individu à l'autre, et d'un bac à l'autre... Toutefois, sans basculer dans l'anthropomorphisme, tout s'est déroulé avec une telle harmonie que j'ai eu le sentiment d'être témoin d'un comportement très précis et bien établi entre les deux partenaires du couple.
S'il n'est pas propre à l'espèce entière, différentes hypothèses peuvent être avancées pour ce comportement atypique : dans un milieu hostile comme l'est mon aquarium actuellement surpeuplé par des espèces inféodées au substrat, le male "aide" peut être la femelle à prendre rapidement les ufs en bouche pour assurer un taux de survie maximal. Mais dans ce cas, pourquoi laisser ensuite une partie de la ponte dix minutes exposée aux prédateurs sur le sable ? D'autre part, la ponte avait peut-être déjà commencé avant la distribution de nourriture, et les parents se sont alors partagés les ufs pour pouvoir manger à tour de rôle ? Dans tous les cas, ce comportement prouve une implication non négligeable du male dans la protection des ufs fraîchement pondus.
Toutefois, à propos du proche cousin Stomatepia mariae, également endémique du lac Barombi-Mbo, C. Cozilis écrivait en 1994 "la reproduction est classique sur substrat découvert avec prise en bouche par la femelle à la fin de la ponte assistée parfois du male". Il est donc également possible que Stomatepia pindu se reproduise tout simplement comme son cousin (le male "assistant" la femelle si besoin) mais qu'aucune observation préalable n'ait jusqu'alors permis de déduire ce mode reproductif.
Seules
d'autres observations futures permettront d'infirmer ou confirmer ces hypothèses,
chez moi ou encore mieux, chez d'autres cichlidophiles en possession d'autres
individus de cette espèce très originale et robuste.
Une fois
de plus, cette observation ajoute une pierre à l'édifice et prouve
que l'aquariophilie à un rôle positif à jouer, en apportant
une meilleure connaissance et compréhension de certaines espèces
qu'il est difficile d'observer dans leur biotope originel.
Bibliographie :
Les Cichlidés
du lac Barombi-Mbo, C. Cozilis, 1994. RFC n° 140
Stomatepia pindu, D.
Brimeux et M. Negrini, 2001. RFC n° 211